vendredi 29 janvier 2010

literatura

LE PÊCHEUR D'HOMMES [1918-1935]

De : Evguéni Zamiatine [Russie]

Mon édition : Rivages, 1989.

11 nouvelles de 149 pages.

Zamiatine, un nom à retenir. D'une part parce que son roman Nous autres a insufflé 1984 et Le Meilleur des mondes, si tu vois ce que je veux dire. Ensuite parce que les écrivains de cette trempe, ça ne court pas les rues. Si tu me demandes ce que j'aime lire, je te répondrai que j'aime bien Zamiatine. Ça résumera.
Un style épuré, une écriture qui s'immisce dans le récit, un regard ironique donc lucide donc intelligent. Que demande le peuple russe ? Tu vas sans doute me dire que c'est facile d'être un auteur génial du changement, de la transformation, de l'hallucination et du délire quand on est né en Russie à la fin du XIX°. J'crois pas. Certes, y'a de quoi devenir un peu fou, alors que c'est déjà pas coton du tout que de passer sa vie à répondre à la question Qui suis-je, quand en plus de ça, ton pays devient un sigle, Saint-Pétersbourg devient Petrograd puis Leningrad, que tu deviens citoyen, camarade et rouge tout à la fois. Et que malgré tous ces changements, de fou donc, au fond rien ne change. Pas de monde meilleur, pas de paradis sur terre, pas de rêve anticapitaliste, comme tu voudras. Y'a de quoi se taper une ou deux bouteilles de vodka et faire de l'art sanguinolent sur neige après que ta tempe ait résonné dans toute la taïga environnante. Mais les personnages de Zamiatine ne sont pas du genre à se suicider, même s'ils ont l'air d'y aller tout droit, vers la fin. Le délire arrive, il s'éclaircit, et puis tu continues aussi misérable que lorsque la nouvelle a commencé. Zamiatine est un écrivain profondément russe, je veux pas dire par là que c'est un écrivain engagé, mais que lorsqu'il écrit, ça fait des nuages de buée qui mettent du temps à se dissiper.
Le plus beau dans la vie, c'est le délire, et le plus beau des délires c'est d'être amoureux. Dans le brouillard matinal, trouble comme l'amour, Londres délirait. Rose laiteux, les yeux clos, Londres voguait, peu importe où.
P.S : Il y a même des conseils de drague : en Russie, femme qui rit n'est pas à moitié dans ton lit. Bien au contraire, si elle rit de toi, c'est que c'est mort. Au cas où tu t'apprêterais à aller faire le singe à Moscou dans le but de danser des troïkas horizontales, te voilà prévenu.

2 commentaires:

Anthony a dit…

ouh ouh, fait le singe !
voila une inspiration de lecture qui me plait.
ma critique à suivre of course !

Liria a dit…

Liria à Russian monkey : si tu trouves Nous autres avant Le pêcheur d'hommes, c'est sûrement le destin. Tu me diras ce que ça vaut...