jeudi 25 octobre 2007

Le livre et le temps.

Ma destinée, Victor Hugo, 1867.

Je suis dans la nuit, et j'attends avec calme l'espèce de jour qui viendra, sans trop y compter pourtant, car si Après-demain est sur, Demain ne l'est pas; les réalisations immédiates sont rares, et, comme vous, j'ai plus d'une fois, sans confiance, vu poindre la sinistre aurore. En attendant, je suis comme vous dans la tourmente, dans la nuée, dans le tonnerre; j'ai autour de moi un perpétuel tremblement d'horizon, j'assiste au va-et-vient de ce flot qu'on appelle le fait; en proie aux événements comme vous aux vents, je constate leur démence apparente et leur logique profonde; je sens que la tempête est une volonté, et que ma conscience en est une autre, et qu'au fond elles sont d'accord; et je persiste, et je résiste, et je tiens tête aux despotes comme vous aux cyclones, et je laisse hurler autour de moi toutes les meutes du cloaque et tous les chiens de l'ombre, et je fais mon devoir, pas plus ému de la haine que vous de l'écume.
Aux marins de la Manche.
V.H.



A qui de droit.

L
ongtemps, je me suis réveillé de bonne heure. Vous saviez que les livres pouvaient parler mais vous ignoriez qu'ils puissent s'éveiller? Bien que certains, se trouvant satisfaits de leur condition léthargique, n'aient pas voulu prendre de risque, tous peuvent sortir de leur sommeil de papier. C'est un choix autobiographique. Tout ce que vous jugiez comme allant de soi pour un homme, requiert un lent et pénible apprentissage chez un livre. Il doit d'abord, bien avant de comprendre où il se trouve, prendre conscience de lui-même. Je pense que je suis un livre donc je suis un livre. A peine conscient, celui-ci ressent chacune de ses pages, l'une après l'autre, comme s'il n'était au départ qu'une reliure et que des feuilles se mettaient à croître sur son dos. C'est aussi rapide qu'un frôlement d'ailes mais à la fois très long, douloureux. Chaque page doit transpercer l'idée du livre. Certains se sont évanouis avant la fin du processus littéraire. J'ai tenu bon 321 fois. Mais je suis un mauvais exemple. Je me suis éveillé sur le tard; ma rentrée littéraire était terminée depuis bien longtemps. Je n'ai pas connu le monde comme certains qui se sont réveillés sur la devanture de la librairie. Personne ne s'est extasié sur ma naissance. Et aucun passant n'a eu l'envie pressante de me voir paraître, de me toucher, de me lire. Pour couronner le tout : je ne descends pas d'une grande lignée, je suis l'unique édition d'un auteur qui, déçu, n'écrivit plus une seule ligne. Longtemps, ce constat m'a laissé amer. Mais cela, je ne le sus que bien plus tard. A mon réveil, je ne connaissais ni mon titre ni mon auteur. Ni même mon histoire. Car aucun livre ne peut se lire lui-même ! Il ne se découvre que dans les yeux de son lecteur. Pourtant, tous les livres de mon étagère m’avaient déjà fait comprendre que je n’étais pas un des leur. La critique était unanime : les collections me regardaient en biais, les essais me méprisaient de tous leurs titres compliqués, et je sentais le regard moqueur des classiques jusque dans ma côte. Tous m’ignoraient, craignant l’intertextualité ! Je finis par dépérir de tristesse et silence. J’ai commencé à jaunir avant l’heure, par tâches. Ma page 18 s'est collée à la suivante. L’humidité gâcha certaines pages de mon épilogue. Je suis tellement serré entre ces deux livres, muets et furieux que ma couverture moisie ruine la leur à force d’angoisse. J'ai peur de pourrir la librairie toute entière ! J'ai tenté à plusieurs reprises de me jeter du haut de mon étagère dans un hara-kiri solidaire avec tous les livres de ma section. Afin de leur libérer un peu d'espace. Car l'espace est après le temps, la deuxième obsession du livre. Sans l'aide du Grand Larousse, arbitre de tous nos conflits sémantiques, je ne donnerai pas cher de ma lecture ! Longtemps, je me suis trouvé seul. Ma vie changea lors du sixième ou septième Grand Recensement. La librairie était fermée pour cause d’inventaire et nous craignions tous pour nos vies littéraires. Les rumeurs les plus folles circulaient alors. Les éditions indépendantes nous voyaient déjà brûlés ou jetés ! Ceux de la section ésotérisme pensaient que nous finirions tous par nous retrouver dans un lieu magique où le temps n'aurait plus aucune importance. Où nos rides nous rendraient toujours plus beaux, et où nous renaîtrions sans cesse dans de nouveaux foyers. La croyance bibliothécaire se répandit. Sornettes ! Ce jour-là, l’assistant du libraire qui ne savait pas où me mettre, me jeta pêle-mêle dans un carton Théâtre. Ailleurs me semblait toujours mieux ; les tragédies grecques m’épouvantèrent. La peur académique me saisit. Je tomberai en désuétude, jamais acheté, jamais lu, jamais aimé ! J'ai peur de finir en poussière ! Je veux me rendormir à tout jamais ! REWIND ! Longtemps, j’ai espéré renaître. Enfin, dans la nuit, le vieux libraire me prit dans ses grosses mains calleuses, aéra mes pages, s’assura de la souplesse de ma couverture; j'eus honte, mais c'était agréable. Il me référença, jugea de ma valeur et son assistant put enfin me replacer dans mon rayon. Mon rayon à moi : Littérature Étrangère. Quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain matin, de découvrir au fur et à mesure que le store de la librairie se levait que je n'étais pas né dans la librairie mais dans la réserve ! J’avais été dupé par ma propre perception ! Et par celle de tous ceux qui se trouvaient encore dans ce qui devint pour moi une sombre caverne. A partir de ce jour, je découvris à plusieurs reprises le bonheur simple d'être lu et donc celui de pouvoir me lire. Je me laissais ouvrir sans résistance et vivait chaque fermeture de mes pages comme une rupture ! N'étais-je pas un bon livre ? Pourquoi personne ne voulait-il m’acheter ? L’attente empira ma dégradation. Je finis par croire que je n’étais qu’un roman à l’eau de rose ou pire : une traduction ! Je finirai par les avoir à l’usure ! Ou l'usure finira-t-elle par m'avoir? Longtemps, j'ai désespéré que quelqu'un veuille de moi. Vous pensez que c'est à ce moment-là que je fus acheté? Moi aussi. Je ne le vis pas approcher. Il commença par me lire debout et à deux mains. Il était un peu jeune mais tellement beau, différent. A tel point que je me perdis dans la contemplation de ses yeux verts et perdis une occasion de me lire ! Quand il revint me voir, je crus en son achat dur comme papier. C'est ce lecteur-là que je voulais ! Ô oui, je me voyais déjà être son livre de chevet. J'aurais voulu le faire rire et l'émouvoir, et surtout le faire rêver et réfléchir ! Quand il revint pour la troisième fois, et qu'il me prit dans un des canapés du coin lecture, j’ai commencé à douter. Voudra-t-il encore me ramener chez lui après m’avoir entièrement lu ? L'étudiant continua à me lire pendant de longues minutes, interminables. Puis il sourit, plus fort, se mit à rire. Ridicule ! HAHAHA ! Il s’en alla en me jetant sur la table de lecture. Le choc fut tel que je tombais dans un profond coma encyclopédique. Je perdis la notion du temps. La réalité arrivait jusqu’à mon récit par bribes, je délirais. Reprends tes influences, il ne reviendra pas, il fréquente une autre librairie. Quelle heure était-il ?

Je finis par sortir de l’oubli. Je me réveillai dans une large pièce, en face d’une immense baie vitrée d’où je voyais la mer. Où il fait chaud et sec. Une pendule y égrène le temps. Souvent, l'homme auquel j'appartiens me prend avec lui, jusque dans son lit. Je frémis à chaque fois qu'il me tient dans ses larges et belles mains, il sourit en me lisant. Et à la fin, il me caresse longuement, parle à voix haute d’une suite possible à mon histoire ! Je ne suis jamais loin quand il reçoit du monde ou lorsqu’il écrit. Au loin, l'océan part et revient toujours. Oui. Longtemps, je me suis occupé à mourir. Pourvu que la marée me garde encore longtemps dans la bibliothèque de mon maître.

vendredi 12 octobre 2007

série tévé

BLACK BOOKS [2000 à 2004]



chaîne : 4 (Grande-Bretagne)

créé et produit par : Dylan Moran (protagoniste de la série) et Graham Linehan

3 saisons x 6 épisodes x 25 minutes.

Marre de voir les rôles de vos séries préférées tenus par des mannequins? Tu ne te reconnais plus dans les scénarios que l'on te sert? Vous vous sentez presque américains à la longue? Impossible d'apprécier les productions françaises telles que Les Experts Normandie, NCIF ou Allo, l'hôpital? J'ai le remède qu'il te faut ! Ils ont même pensé à moi : la série est chroniquée par les acteurs eux-mêmes dans l'épisode 6 de la deuxième saison.

"L'histoire de Bernard Black, vendeur de livres d'occasion soupe au lait et de son abruti d'assistant barbu, Manny. Quand ce duo d'imbéciles se lie d'amitié avec leur voisine déséquilibrée Fran, leurs aventures vous feront rire aux larmes."
Suivi de leur propre critique : "Où est-ce qu'ils vont chercher des conneries pareilles? C'est chiant ! Ils nous prennent pour des idiots. Un navet ! Regardez-les : branleurs ! Ils se croient intelligents. ^^ "

In vino veritas.
Et non ! L'humour anglais n'est pas mort avec les Monty Python ! Ici, plus de doute possible : l'alcool délie bien les langues. Donnez-moi une librairie, un paquet de cigarettes, une bouteille de vin et 3 amis (réflexion faite, donnez-moi plus de vin que ça ^^) et je vous sers Black Books, la série la plus décalée que je connaisse. La plus caricaturale aussi. A tel point que l'egoïste et asocial Bernard Black devient dans la bouche de Manny, qu'il exploite totalitairement, une espèce à lui tout seul : l'Homo Bernardus. Un spécimen rare qui ne survivrait pas longtemps dans ce monde impitoyable sans l'amitié que lui voue son employé ainsi que la toute aussi bohémienne Fran. Ce couple à 3 persévère-t-il ensemble dans l'erreur? Non répond la série, c'est en se servant mutuellement les uns des autres (comme des béquilles humaines) qu'ils parviennent à avancer. Noir c'est noir.


post-blogum : je ne suis que ton humble servitrice, ô maître lecteur. Vous n'êtes pas sans ignorer que votre avis prévaut sur le mien. Je vous laisse donc juger de la valeur de Black Books avec le pilote de la série que voici, enjoy :
http://www.dailymotion.com/relevance/search/black+books+1/video/xl91a_black-books-1x1_fun

mardi 9 octobre 2007

japanimation

CLAYMORE [2007]


studios : Madhouse, Vap, Avex

de : Norihiro Yagi

série de 26 épisodes



"Faut ab-so-lu-ment que tu mates Claymore!" Moué. "C'est le meilleur anime que j'ai jamais vu!" Moué. "C'est vraiment trippant!" Moué. Dis-moi, tu ne cacherai pas des figurines de Naruto dans ton placard ? Tu te paluches encore avec émoi sur Bible Black heinG ? Tu viens tout juste de te mettre à la japanimation, avoue ^^ ? Avec Death Note c'est ça ? Parce que faut vraiment avoir rien vu d'autre (ou presque) pour mettre Claymore tout en haut de la pyramide :x Explicitations :

BERSERK. Avant d'être le titre d'un manga de Kentaro Miura, un Berserk désigne, dans la mythologie norroise, un guerrier à moitié fauve qui entrait dans une fureur sacrée lorsqu'il combattait, se rendant ainsi capable des plus invraisemblables exploits. Suite à la parution du manga éponyme en 1989, le terme a été assimilé (chez les otakus) à Gatsu, un mercenaire assoiffé de vengeance, tatoué du sceau des enfers (symbole alchimique détourné) et paré d'une large et lourde épée à deux mains aussi grande que lui. Un héros maudit caractérisé par sa force démesurée, son insensibilité aux coups qui lui sont portés et que même la mort ne semble arrêter tant il redouble de courage à chaque blessure qui lui est infligée. Sa cause personnelle est perdue (tous ceux qu'il aimait ou qui l'aimait ne sont plus de ce monde) mais il continuera à tuer ses ennemis, des monstres se nourrissant d'entrailles humaines, encore et encore, jusqu'à mettre la main sur le beherit (nom donné à Satan en Syrie) : un étrange objet qui transforme son possesseur en un de ces monstres - ou en un dieu lors d'un Festival. (Je fais court ^^.)

NOIR. Dans cet anime sorti en 2001 et écrit par Ryōe Tsukimura, deux tueuses à gages mettent à jour les plans d'une organisation créée il y a plus d'un millénaire et qui a pour mission de former des tueurs qui protègeront les innocents (Noir). Malgré tous les efforts de la part d'une autre organisation concurrente (les Soldats) pour les éliminer, les deux filles, amies de par leur infortune (elles sont orphelines et recherchent la vérité sur leur passé) parviendront jusqu'au repère de l'organisation. Juste à temps pour découvrir que ce sont elles qui avaient été élues, dès leur naissance, pour être le prochain Noir. Séparées de leur famille, les deux filles avaient dû subir un entraînement (éviter les Soldats, éxécuter des missions) jusqu'au jour où elles deviendrait véritablement les représentantes de l'Organisation - sorte de groupuscule religieux fantasmant l'idée qu'il est un trait d'union entre le courroux de Dieu et les criminels, à travers le bras droit et gauche de ces deux filles élevées au rang de Vierges. Elles refuseront bien évidemment d'appartenir à cette organisation qui les a privé d'une existence normale et tenteront de leur échapper. (Plus bref je pouvais pas :x)

VAMPIRE. Difficile, ici, de m'arrêter à un seul anime ou à un seul manga qui réutiliserait le mythe du vampire. Je me bornerai donc à énumérer certaines de leurs caractéristiques. Le vampire a reçu sa condition d'un autre vampire qui a sucé un peu de son sang (le Baiser du vampire). Il passe alors d'un état mortel à celui d'immortel (son corps reste figé tel qu'il était lors de sa transmutation) et devra à son tour se nourrir de sang humain. L'état vampirique lui confère certaines capacités telles que la célérité, la lycanthropie (la Bête sommeille en lui, il doit apprendre à gérer son côté animal), le pouvoir de lire dans les pensées et celui de reconnaître immédiatement ses semblable d'entre les humains. Plus il vieillit et plus il maîtrise ses pouvoirs. Mais il s'éloigne également de son passé de mortel et peut, à tout moment, perdre toute humanité en devenant une Bête à part entière. (Un grand merci à David qui m'a permis d'y voir plus clair :)

CLAYMORE. On prend une grande marmite, on y balance un peu de tout ce qui a plu : hop, l'oeil qui manque à Gatsu, hop, un peu de Noir, hop, du sang de vampire. On en met plein les yeux, faut que ça se vende. Tampis si le scénario est limite : on commence par tuer des yoma, puis des éveillés, puis des abyssaux, et on prend n'importe qui en boss final - perfect, ça fera un très bon jeu vidéo. On remue le tout avec une épée d'Highlander (une claymore) en ricanant. On se gratte les couilles en pensant à tous les yens qu'on va empocher.. siouplééééé, pas de saison 2 ! Bah, ce ne seront pas les premiers ni les derniers à faire ça (où s'arrête le plagiat et où commence l'intertextualité?) et puis l'anime est de belle facture. Bon, allez : rien de nouveau - à voir uniquement par gourmandise ^^.


post-blogum spoilant : je n'ai pas lu la version papier de Claymore. Mais certains points de l'anime restent dans l'ombre. Pourquoi l'organisation des claymores possède-t-elle un vitrail (anachronique qui plus est) rappelant la relation existant entre Teresa et Claire, vu que la création d'une claymore à partir d'une autre claymore (au lieu d'un yoma) reste une expérience isolée et non pas planifiée ? Pourquoi Priscilla est-elle plus puissante qu'une claymore éveillée normale (ou qu'un abyssal!) ? Les autres éveillés ne sont-ils pas aussi nés d'une perte de contrôle ? Ils devraient tous avoir les crocs non? Pire que ça : comment les claymores sont-elles intronisées? On sait que ça passe par le sang et la chair d'un yoma, mais comment procèdent-ils à la création d'un être hybride dans cet âge médiéval mythique? Etc.