mercredi 24 février 2010

literatura

CLARISSA [1933]

De : Érico Veríssimo [Brésil]

Mon édition : Globo, 1995, 54ème édition.

Roman de 192 pages.

Veríssimo, si vous l'ignoriez, est l'un des plus grands écrivains brésiliens du siècle dernier. Clarissa est son premier roman, avec tout ce que cela suppose. D'où les nombreux points en commun entre les personnages, les habitants d'une pension modeste de Porto Alegre, et l'écrivain. Chacun fonctionnant comme une facette de ce dernier. Un roman très personnel donc. Puisqu'il ira jusqu'à donner le même prénom à sa fille deux ans plus tard. Comme s'il l'avait déjà imaginée, aimée, créée avant de la procréer. Cependant, la Clarissa de Veríssimo ne ressemble en rien à celle de Richardson ou à celle de Zweig. C'est une adolescente rayonnante, curieuse, naïve. Une fleur qui éclot, loin de sa campagne natale. Issue d'une bonne famille, elle est gardée sous cloche. Aussi observe-t-elle le monde qui l'entoure avec une minutie désespérée, dans la tentative vaine de le comprendre sans l'expérience que cela demande. Tout le monde aime Clarissa surtout Amaro, un homme dans la fleur de l'âge qui s'interdit de vivre. Il la regarde avec une envie toute pédophile, déçu que le temps passe, qui la transformera en femme au foyer insignifiante, le corps déformé par les grossesses à venir. Mais Clarissa a d'autres projets. Elle s'efforce de penser que tout viendra, à point, à qui sait attendre. Et quand le grand jour arrive, c'est pour se rendre compte que l'on passe directement de l'attente à la nostalgie, avec rien entre les deux. Et que c'est ça vivre et grandir.
C'est comme un prisonnier qui - privé du spectacle complet de la vie, des vastes paysages libres - se divertit en examinant avec précision les plus petits détails de sa cellule.

vendredi 5 février 2010

literatura

VIRGIN SUICIDES [1993]

De : Jeffrey Eugenides [États-Unis]

Mon édition : J'ai lu n°5493, 2001.

Roman de 223 pages.

Virgin suicides : roman que l'on achète généralement durant l'adolescence après avoir vu le premier film de Sofia Coppola du même nom sorti en 1999.

La plus jeune des filles Lisbon se suicide. C'est le début de la fin. Qui saura trouver la raison de son geste ? Qui est ou quels sont les coupables ? Et si quelqu'un trouve la réponse, le cauchemar prendra-t-il enfin fin ? Aurait-on pu sauver les quatre sœurs Lisbon restantes d'une mort annoncée ?

Un roman à la forme interrogative. Et si on avait enlevé plus tôt la grille sur laquelle elle s'est empalée ? Et si on s'était bougé le cul, nous aussi, pour sauver les ormes d'un abattage abusif ? Et si on leur avait dit qu'on était fous amoureux d'elles et qu'on s'en occuperait dès qu'elles auraient atteint leur majorité ? Et si ça venait du sexe que les ados n'ont pas encore pratiqué et des cigarettes que Lux fumait en cachette ? Et si on avait porté plainte contre leur mère puritaine et son époux castré ? Et si le suicide était une maladie, un virus qu'elles se seraient refilé les unes les autres ? Et si ça venait de leurs vinyles, si ça venait du rock, des années 70, des suburbs, des Etats-Unis, de la planète Terre si pleine de défauts ? Et pour finir : si ça venait de la fin du rêve américain ? Ridicule conclut Eugenides. Avec des si on mettrait ta mère en bouteille.

"J'ai vu le film, il est vraiment bizarre." Normal pour un film d'ambiance tu crois pas ? Puis quoi de plus strange qu'un suicide ? Ceux qui ne cesseront jamais de mener l'enquête, leurs voisins du même âge, se rendront plusieurs fois compte qu'ils n'étaient finalement que des étrangers pour elles. Personne ne peut aboutir aux facteurs multiples d'un suicide. C'est un geste encore plus intime que le fait de se masturber. C'est un choix si personnel que bien des gens s'accordent à dire qu'il est égoïste. Quelles salopes ces sœurs Lisbon finalement, crever sans même avoir taillé une pipe à (pardon, sans épouser) ceux qu'elles obsèderont pour des siècles et des siècles. Et si c'était tout le contraire ? Personne ne saura jamais.
Lecture masochiste.