dimanche 7 mars 2010

music


RICHARD EINHORN : VOICES OF LIGHT


[États-Unis, 1995]

Seul un vrai mélomane aurait pu découvrir Voices of Light autrement qu'en ayant vu le film de Carl Theodor Dreyer : La Passion de Jeanne d'Arc, la version restaurée dans les années 80 du film muet de 1927. Ouvrez bien grand vos oreilles car ce film a tout de la légende : Carl voulait un film parlant mais le studio danois n'était pas équipé. Quand bien même, le film est tourné sans son. Ironie du sort, la censure ampute le film qui subit ensuite les sévices d'un incendie. Carl réussit à le reconstituer... pour être mieux perdu dans un autre incendie ! Un double non censuré du film est retrouvé 50 ans plus tard dans un hôpital psychiatrique norvégien. On décide alors de lui coller Voices of Light par dessus : c'est l'apothéose ! L'œuvre de Richard Einhorn irradie, glorifie, transfigure la pellicule désormais pleine de grâce. Croyez-le ou non, lorsque la biographie d'une œuvre ressemble à s'y méprendre à celle de son personnage principal, c'est que son créateur a touché au sacré, et que soit il a été puni par une malédiction pour avoir marché sur les plates bandes divines, soit il a été récompensé par un miracle pour être parvenu à réaliser tel prodige. Le chef d'œuvre de Richard Einhorn est une relique musicale à manier avec précaution car aucun de vous n'est digne de le recevoir. Toutefois, la quête en vaudra la chandelle : touchez seulement sa couverture et vous serez sanctifié, écoutez un seul de ses titres et vous serez guéri. Pour des siècles et des siècles.
Atteignez l'état de grâce en 70 min. !

vendredi 5 mars 2010

Mon avis sur la question II

LA RECHERCHE D'EMPLOI

Ce post fait suite à ma propre recherche d'emploi. Et à tout ce qu'on entend dire en ce moment sur le chômage.


Faut que ça change ! N'ai-je point intitulé ce blog une tribune ? Il est temps que je lève du poing, que je postillonne sur le premier rang, que je vocifère à qui mieux mieux car oui messieurs-dames j'ai des choses à dire ! Comment ça le micro n'est pas branché ?


Commençons par définir mon profil de chercheuse d'emploi. Suis du genre à tout vouloir tout de suite voyez ? J'ai pas attendu de recevoir mon diplôme de master pour chercher un emploi, diplôme que j'attends toujours d'ailleurs. Le jour même où j'ai passé ma soutenance de mémoire je me suis inscrit à Pôle Emploi. La semaine suivante je rencontrais ma conseillère et la semaine d'après j'ai reçu ma carte de demandeur d'emploi. Y'a quelqu'un qui a compris à quoi elle servait cette carte ? Six mois après elle ne m'a encore donné droit à rien cette carte. Juste elle remplace ma carte d'étudiante dans le portefeuille. Et voilà.

Puis j'ai obtenu mon premier CDD. De deux mois (je ne savais même pas que c'était possible d'être embauchée pour deux mois, sans faire de l'intérim) à l'Inspection du Travail (une embauche bien ironique). Ces deux mois seront sûrement les deux mois les plus heureux de toute ma vie active. J'ai appris que, effectivement, les fonctionnaires n'en branlaient pas une, ou pas souvent. Et j'ai pu voir tous les avantages auxquels ils avaient droit : pas de patron, rythme de travail peu soutenu, déjeuners de qualité à bas prix, réductions sur tout un tas de trucs, primes plus que douteuses (par exemple parce que la personne n'a pris aucune journée de congé maladie dans l'année ou parce qu'il reste des sous dans la caisse, somme non dépensée pour embaucher), salaire versé avant la fin du mois, nombreux RTT, etc, etc. Bref, aller au boulot c'était le pied. Je souriais dans le tram. Jusqu'à mon dernier jour de travail, le 31 décembre. Oui, ils avaient juste embauché quelques demandeurs d'emploi pour terminer le boulot de l'année, celui qu'ils n'avaient pas terminé. On est même allé jusqu'à me dire qu'on ne me gardait pas uniquement parce que toutes les administrations françaises ont reçu l'ordre de ne pas renouveler ces fameux CDD de deux mois afin de ne pas devoir nous payer, plus tard, le chômage ! Vive l'État !

Bref, il ne me restait plus qu'une chose à faire : trouver un CDI au plus vite. Au plus vite signifiant avoir le droit d'arrêter de faire des courbettes à ma mère parce qu'elle paye mon loyer, être enfin indépendante à 26 ans, après avoir obtenu mon bac +5, arrêter de vivre comme une étudiante et pouvoir accéder à l'âge adulte : maison, mariage, bébé, what else ? Alors je vais faire l'impasse du récit des conversations que j'ai avec mes parents depuis que je suis à la recherche d'un emploi. Elles sont communes à tous ceux qui ont des parents très angoissés, peu compréhensifs et qui n'ont jamais été au chômage. On a juste l'impression d'être moins que rien tant qu'on a pas ce fichu CDI en poche (avant c'était le bac, puis le master, demain ça sera le what else énuméré précédemment). Merci maman, merci papa !

On m'a dit d'envoyer des candidatures spontanées. Parfois on te répond, parfois on ne te répond même pas. Qui débouchent sur un entretien. Parfois on te rappelle, parfois on ne te rappelle même pas. Mais toujours pas de CDI, de CDD ou même de travail au black (si si ça existe encore, non seulement je connais des gens payés au black comme je connais des personnes qui sont payés pour traquer leurs employeurs, dans l'Inspection du travail la plus proche de chez vous, voir ma première expérience professionnelle post-universitaire) en vue. Merci 'sieur le DRH !

On m'a dit de chercher sur internet. Oui internet c'est une base de données magiques et bla et bla. Sauf qu'ils cherchent des profils qui ne ressemblent pas du tout au mien, c'est à dire qu'ils ne recherchent personne prêt à travailler dans la dignité et pour un SMIC malgré le bac +5 mention très bien. Ils recherchent surtout des personnes rares, ressemblant à s'y méprendre à la personne qu'ils cherchent à remplacer. Peut-être qu'il devraient arrêter de poster des annonces et essayer le clonage humain. Vive les entreprises !

On m'a dit de chercher dans le journal. Ben oui, dénicher la bonne annonce dans le journal, l'entourer au marqueur rouge, c'est vieux comme le journal. Hop ! Je débusque les trois derniers Topannonces.fr que j'ai reçu (journal d'annonces gratuit sur Montpellier), je décapuchonne mon marqueur et c'est parti... pas bien loin. Les annonces qui proposent un emploi tiennent sur une seule page, située à la fin du journal. 30% des annonces concernent des bars à hôtesses à la recherche de putes, 30% des entreprises à la recherche de commerciaux qui devront leur fournir des clients et 30% des arnaqueurs à la recherche de gens très désespérés pour accepter le boulot qu'ils proposent, des annonces rédigées sous la forme : devenez riche en travaillant de chez vous = danger danger danger. Vive les cons !

On m'a dit de me rendre à toutes les rencontres, forums, journées pour l'emploi. Je suis motivée et dynamique donc okay. J'y ai trouvé des sourires du genre Je garde votre CV mais n'y comptez pas trop, et du style Nous recherchons des BEP untel et des Bac Pro ceci. Oui mais moi j'ai un diplôme universitaire et je veux travailler ! J'en ai écumé des stands. Les grandes entreprises nationales s'y trouvaient toutes mais aucune ne m'a donné le CDI tant rêvé. En revanche j'ai compris que leur présence à ce genre de rendez-vous pour l'emploi était une forme de publicité gratuite déguisée : consommez chez nous car nous vous donnons des emplois. Même Mac Do et Carrouf ne m'ont pas embauchée quand j'étudiais ! Malgré le fait que j'ai bossé tous les étés depuis mes 16 ans. Vive la pub !

On m'a dit que je visais trop haut ou trop bas, que je ne cherchais pas assez ou mal, que c'était la crise, qu'il y avait du boulot partout si je regardais bien (où ça? j'ai des problèmes de vue aussi?), on m'a dit que le taux de chômage n'avait jamais été aussi élevé en France depuis 10 ans (10% des français sont demandeurs d'emploi) alors qu'à Montpellier le taux de chômage est supérieur depuis un bail : 13% aux dernières nouvelles. Ma conseillère Pôle Emploi m'a dit que ça serait dur pour moi. J'avoue : j'ai un diplôme et je veux travailler, ça sera pas facile non.

mercredi 3 mars 2010

literatura

UNE FIÈVRE
IMPOSSIBLE À NÉGOCIER
[2003]


De : Lola Lafon [France]

Mon édition : Flammarion, 1ère édition.

Roman de 340 pages.

Lola Lafon n'est pas un écrivain. Publier ce n'est pas accéder au rang d'écrivain. Lola Lafon sait parfaitement qu'elle n'est pas un écrivain lorsque Beigbeder lui téléphone pour lui dire que Flammarion est très intéressée par Une fièvre impossible à négocier. Il y a toujours deux choix dans la vie écrit Lola : se taire ou se révolter. Le choix s'arrête là. Aucun ne mène à une solution. Se taire ou se révolter cela revient toujours au même. Mais un seul de ces deux choix possibles nous permettra de pouvoir continuer à nous regarder tranquillement dans le miroir. Quand bien même nous voudrions ne pas devoir choisir, il y a toujours un moment où ce choix se présente à nous, impérieux, obligatoire. Pour l'héroïne du roman ça sera un viol. On a pas tous le déclic qu'on mérite. Landra ne peut plus reculer : elle choisit la révolte. Elle opte pour un groupe antifasciste, Étoile noire. Composé de gens qui comme elle ont décidé de se révolter, de ne plus se laisser faire. C'est la nausée, déjà présente avant ce choix impossible à négocier, qui se transforme en colère. C'est le combat du NON contre le SI. C'est le refus de continuer à vivre dans une société que l'on déteste. L'injustice contre l'injustice, la violence contre la violence. Mais aussi le bruit contre le silence, la révolution contre la résignation. Publier Une fièvre impossible à négocier plutôt que de ne pas le faire.
Sous le bitume, la plage.