samedi 20 novembre 2010

literatura

UNE FORME DE VIE [2010]

De : Amélie Nothomb [Belgique]

Mon édition : Albin Michel, première édition.

Roman de 169 pages.


Chère Amélie Nothomb,

Internet t'étant terra incognita, tu ne liras jamais cette lettre qui t'est pourtant adressée. Tu conviendras qu'il y a de la noblesse à écrire sans attendre de réponse de la part de son destinataire. De plus, je n'ai pas attendu que tu écrives un roman sur la correspondance pour t'écrire sur ce blog (voir ici), pourtant ouvert à toute réponse grâce aux commentaires. Donc oui, je t'aime bien. Cependant, bien aimer n'est pas aussi grandiose qu'aimer tout court, j'en conviens et m'en excuse.
Je sais aujourd'hui, après avoir lu Une forme de vie, que je ne t'écrirai jamais par voie postale, que je ne tenterai jamais ma chance de devenir l'un de tes heureux correspondants et le regrette vivement. Autre désillusion : mercredi tu étais à Montpellier, c'était l'occasion idéale de te revoir et je ne l'ai pas saisie. Pire encore : mercredi tu étais à Montpellier et ça ne s'est pas senti, ni en moi, ni hors de moi. Je crois bien, Amélie-san, qu'avec ce dernier roman tu as déçu une de tes ferventes lectrices. Cela ne t'étonnera certainement pas : on écrit pas Une forme de vie sans éviter des dommages collatéraux, dont je fais de tout évidence partie.
En effet, Une forme de vie c'est le grand retour de tes thèmes de prédilection : l'écriture, les problèmes de poids et toi, et toi, et toi. J'y pense : est-ce que tu as choisi d'être maladroite au sujet des obèses parce que tu es toi-même un écrivain extrêmement fat ? Tu sais, les braves gens n'aiment pas que l'on se moque d'eux, ils n'aiment pas qu'on leur serve un mode d'emploi de sa grande personne à l'usage des mortels sous couvert de littérature. Certaines pages de ton bouquin m'ont fait bondir de mon canapé ; Une forme de vie n'est qu'un des chapitre de l'œuvre que tu te dédies : Comment écrire à Amélie Nothomb par... Amélie Nothomb, nom de dieu, c'est quoi le prochain titre ? Une sorte de désir ou Comment baiser Amélie Nothomb par Amélie Nothomb ? De mon modeste point de vue, il ne te reste plus que deux options possibles : soit ton prochain roman ne parle plus de toi, plus du tout, soit tu nous écrit un autre Amélie Nothomb pour les nuls et tu peux m'oublier. Et que ça soit clair Amélie : si la situation est devenue aussi intolérable que cela, si tu éprouves encore le besoin d'éduquer ton lectorat, si tu as compris que tu avais cessé d'aimer tes lecteurs et que l'autre est définitivement un ennemi alors c'est bien simple : arrête de publier !

Sincèrement,

Une forme d'amitié.

Vanité des vanités, tout est vanité.

jeudi 11 novembre 2010

literatura

COUPLES [1968]

De : John Updike [États-Unis]

Mon édition : Folio n°43.

Roman de 636 pages.

Bien que la littérature ne s'apprenne ni sur les bancs du collège ni du lycée, sur ceux de la fac non plus, mes professeurs n'ont eu de cesse de me rabâcher deux choses importantes, qui de leur avis étaient essentielles à l'étude d'un roman : il s'agit du temps et du lieu. Et que si on parvenait à retenir ça, c'était déjà pas si mal. Couples est un roman dont l'action se déroule à la fin des années JFK, dans le Massachussets atlantique. Est-ce que ça suffira ? J'en doute. Quoi que.
Les hommes avaient cessé de s'intéresser à leurs carrières, les femmes d'avoir des enfants. Restaient l'alcool et l'amour. Maintenant que tu sais quand et où ça se passe, tu commences à comprendre. A comprendre que dans la littérature américaine, Kennedy n'en finira jamais de mourir. Que les romans antérieurs aux années LSD littéraires sont toujours longs à venir, comme l'éjaculation dans le mariage. Qu'il faut énormément de talent pour sortir quelque chose d'excitant situé entre la WW2 et Woodstock, a fortiori si les personnages que l'on te présente appartiennent à la bourgeoisie puritanodescendante. Comment s'exciter quand on a déjà fait l'expérience de l'american dream ? Combien de romans, de films et de séries américains ne te parlent que de ça ? J'ai cessé de compter. Coupable d'avoir fait l'expérience du bonheur l'être humain tend alors à sa propre destruction, parce que se sentir vivant passe forcément par se sentir seul et malheureux. Jusque là tu n'es constitué que de carton-pâte. En s'imbibant dans la fange de la luxure, donc de l'infidélité car le mariage est un pacte scellé avec la pureté, tu commences enfin à t'épaissir, à tout perdre, à mourir donc à vivre : plongeant, il vit combien la mort, loin d'envahir la terre comme un météore, se situait sur le même plan que la naissance, le mariage et l'arrivée quotidienne du courrier.
Apologie du coup de canif dans le contrat.